Don Quichotte & le Moulin à paroles

 

Assis au centre plateau, dos au public Don Quichotte médite…
Soudain, Sancho Pança, son serviteur, entre en trombe…


Don Quichotte :

Et alors, tu te crois dans un moulin ? Tu ne peux pas frapper Sancho ?

Sancho Pança :

Pardon maître, mais vous avez reçu un message de Mimolette Reine de Hollande, et ça
semblait urgent !

Don Quichotte :

Ma cousine ? Qu’est-ce qu’elle peut bien me vouloir ? (il lit la lettre)

Don Quichotte :

Sancho, prépare les bagages, il nous faut monter sur-le-champ aux Pays-Bas…

Sancho Pança :

« Monter aux Pays-Bas » et pourquoi pas descendre au Pays Basque !

Don Quichotte :

Mimolette, ma cousine, court un grand danger. La coalition des géraniums menace d’attaquer
le royaume des tulipes…

Sancho Pança :

C’est loin la Hollande ! Et si on demandait à Arthur et à ses Chevaliers de la paille blonde de
s’en charger ?

Don Quichotte :

Ces bons à rien ? Non, c’est mon devoir de défendre les opprimés, de punir la cruauté… Je
serai fidèle à mes engagements, je suis un homme d’honneur et de bravoure… Ma belle
Dulcinée sera fière de moi. Je relève le défi !
Libérer la terre des infâmes pillards est ma mission, je déclare la guerre aux géraniums
germaniques ! Une femme est en danger, cette épreuve héroïque est pour nous, mon
valeureux Sancho Pança ! Nous irons chercher des renforts pendant le trajet ; Nous aurons
besoin d’alliés sûrs. Prépare les bagages, je te dis.


Sancho Pança :

Pardonnez-moi d’insister maître, mais n’avez-vous pas peur, en Hollande, de croiser…

Don Quichotte :

De croiser quoi ?

Sancho Pança :

(il hésite à le dire)

Des moulins à vent ?

Don Quichotte :

(sortant son épée)

Des moulins ? Où ça ? (il fouette l’air avec son épée) Tu sais bien que ce sont des géants !

Le Narrateur :

« Don Quichotte a le sang chaud », pensa Sancho… Puis il partit seller Rossinante,
le cheval de son maître, et préparer les bagages…

***


Don Quichotte :

Merlin, merci de te joindre à nous dans cette quête. Il nous faudrait également une fine lame,
quelqu’un qui n’a pas peur de combattre contre cent pour l’honneur d’une damoiselle, fût-elle
de Hollande…

Merlin :

Je sais à qui tu penses, c’est une bonne idée.

Sancho Pança :

Si vous me mettiez au parfum ?

Don Quichotte :

Tu ne crois pas si bien dire, mon fidèle ami, celui dont nous parlons sent les embrouilles de
loin et il n’aime pas que l’on fourre son nez dans ses affaires…

Merlin :

…et encore moins se faire mener par le bout du nez !


Don Quichotte et Merlin :

Cyrano de Bergerac ! Cadet de Gascogne !

Don Quichotte :

Tu sais où il se trouve en ce moment ?

Merlin :

Je n’en ai pas la moindre idée, mais je vais le faire venir à nous :
« Par tous les éléphants d’Afrique et d’Asie, les tarés tarins de Tarascon, et par les fiers
nasiques de Bornéo, apparaît Cyrano ! »

Dans une boule de fumée et un grand bruit d’éclair surgit Cyrano


Cyrano :

Mordious ! Qu’est-ce qui m’arrive ? Je sens que je dérive…

(décochant son épée, il avance)

Je ne vous laisserai pas faire gredins, venez que je vous tranche le lard de mon aiguillon dare-
dare !!

Merlin :

Calme-toi, Cyrano, c’est moi, Merlin ! Je suis avec Don Quichotte un ami.

Cyrano :

Don Quichotte, fils du grand Cervantès ? ‘Je me découvre au nom de cet hurluberlu’, dis-je
jadis dans ma pièce ! Dans mes bras, j’en peux plus !


Sancho :

C’est vrai qu’il a un nez,… presque aussi gros que mon ventre !

Cyrano :

Mais où sommes-nous ?

Don Quichotte :

En Espagne, dans la Mancha !

Cyrano :

En Espagne ? Mais l’Espagne, c’est un roc, c'est un pic, c'est un cap, que dis-je, c'est un cap,
c’est une péninsule !

Sancho :

Oui, c’est ça, une péninsule, la péninsule Ibérique !


Merlin :

Cyrano, je t’ai fait venir pour servir une noble cause, pas pour te chercher querelle. Tu veux
être des nôtres ?

Cyrano :

C’est trop d’honneur ! Que puis-je pour vous mes seigneurs ?


Don Quichotte :

Mettrais-tu ton épée au service de la justice à nos côtés ?


Cyrano :

Et comment ! Qui faut-il châtier ? Je ne crains rien ni personne ! J’ai du métier et la fierté
Gasconne…

Pendant la chanson, Sancho fait un feu.

Le nez au vent (la chanson de Cyrano)-extrait
Le nez au vent
Je marche fier
Et droit devant.
Mais il faut bien que j’le concède
Mon nez, d’un quart d’heure me précède…

Mon nez est grand ?
La belle affaire.
Qui est dedans ?
Conseil d’ami, n’en riez pas,
Les plaisanteries, elles sont pour moi !…

Un nez nuphar
Un nez critoire
Un nez léphant
Un nez légant

Un nez claireur
Un nez ventreur
Un nez criteau
Comme Pinocchio.

Don Quichotte :

Bravo Cyrano, tu chantes clair !

Cyrano :

Merci l’ami…

Merlin :

J’ai beau le savoir, c’est vrai que vous avez un (il fait le geste pour montrer son nez) … énorme !
Laissez-moi faire, je peux arranger ça.

Il prend sa baguette magique, et s’apprête à faire un tour de magie


Cyrano :

Non malheureux, n’y touchez pas même un peu ! Sans lui j’aurais l’impression d’être tout nu,
et puis à tout on s’habitue. À cause de lui souvent l’amour m’est passé sous le nez, mais j’y
tiens comme à une blessure de guerre qui ne referme jamais…
N’en parlons plus Seigneurs, racontez-moi plutôt les détails de cette histoire d’honneur.

Don Quichotte :

Nous ferons ça demain, nous avons tout le trajet pour te raconter. Il est tard, viens plutôt avec
nous autour de ce bon feu…

Ils s’assoient autour du feu, nostalgiques…

Sancho :

Regardez Cyrano, il pique du nez !

Cyrano :

Non ! Je n’ai pas sommeil, grand dam, je médite à quelque abeille qui a piqué mon âme.

Sancho :

Médite donc !

Merlin :

Quelle est donc cette abeille sans cœur Cyrano ?


Cyrano :

Magdeleine Robin ma cousine, dite Roxane, la divine… Mais elle aime Christian de Neuvilette,
aussi beau qu’il est bête !

Don Quichotte :

Ma Dulcinée me manque aussi…

***

      Sancho :

Vous en avez fait des voyages, Mona !

      Mona Lisa :

C’est grâce au talent de Léonard que j’ai vu du pays. Mais pour chaque voyage, il m’encadre !

      Merlin :

Quelle vie magnifique, je rêverais d’aller à Florence !


      Léonard :

Ce rêve là, je l’exauce sans magie quand tu veux, nous y retournerons ensemble ; J’ai moi
aussi le mal du pays parfois.

      Mona Lisa :

Cyrano, puisque les Pays-Bas sont encore loin, racontez-nous vos exploits, ça nous fera passer
le temps !

      Cyrano :

Mes exploits Madame ? Mais si je commence et que je m’enflamme, sans aucun doute, la route
sera encore trop courte !
(à lui même) Ça me pendait au nez ! J’y vais.

Vous ai-je déjà raconté, ma brune, mon voyage sur la Lune ?

Alors voilà, un soir, à l’heure où l’onde par la lune est attirée, je me couchais sur les dunes,
attendant la marée. Je me mis sur le sable après un bain de mer et la tête partant la
première, mon cher, (car les cheveux, surtout, gardent l’eau dans leur frange !), je m’enlevai
dans l’air, droit, tout droit comme un ange…


      Sancho  :

(il le coupe)

Alors ? Je trouve que ce Cyrano est un vrai moulin à paroles !


      Don Quichotte :

Un moulin où ça ? Ne bouge pas gredin !!