EXTRAITS La lettre

 

Léo Grandin

Je ne pensais pas que vous viendriez !

Marion

Comment faire autrement...

Léo

La lettre ?

Marion

Oui la lettre.  Comment faire autrement !

Léo

Les gens doivent vous écrire facilement comme à une amie, vous êtes une artiste populaire... Vous en recevez tous les jours par centaines des lettres j’imagine.

Marion

Oui, mais des comme celle-là, pas souvent non !

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Léo

Je ne te dis pas le choc quand j’ai vu l’affiche de ton premier film !  (…) Te revoir comme ça, c’était comme retrouver une boite de photos oubliées... D’habitude, sur les vieilles photos, on essaye de reconnaître la personne que l’on connaît, pour voir comment elle était enfant.   Là, c’était l’inverse, je voyais une belle jeune fille et je recherchais l’enfant dans ce visage, dans ce regard... Mon miroir à souvenirs s’est brisé net.  L’image que je me faisais de toi a volé en éclat.   Le reflet était moins fidèle, forcément.  C’est dangereux un reflet, plus encore un brisé... (…)  Tu ne te rends pas compte, c’est inespéré pour moi d’être là avec toi.  Il y a deux jours j’étais seul, avec mes fantasmes de toi... Je me sens triste et heureux en même temps Marion ; Comme une journée de mars !  Grâce à toi, il y a du soleil à travers mes gouttes…

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Marion

C’est marrant, ta cuisine me rappelle celle de la maison de Rue du Chalon.

Léo

Ah bon, pourquoi ?

Marion

Le carrelage !

Léo

Tu te souviens du carrelage ?  C’est bizarre comme souvenir ça !

Marion

Tu ne te rappelles pas des carreaux magiques de la cuisine ?

Léo

Non, pas vraiment ; Pourquoi magique ?

Marion

Dans la cuisine il y avait du carrelage noir et blanc ; je m’amusais à sauter pour ne marcher que sur les noirs ; et un jour tu m’as dit : « Marion, je vais te dire un secret et te montrer les carreaux magiques. »  Tu m’as prise dans tes bras, après m’avoir embrassée, tu m’as posée délicatement sur le carreau blanc près de la table et tu es allé mettre tes pieds sur un autre blanc à l’opposé.  Tu m’as demandé de fermer les yeux. « Tu vois ma chérie, ces deux carreaux sont reliés entre eux... Si tu te concentres bien, tu vas entendre mes pensées et moi les tiennes ... »

Léo

Oui, je m’en souviens maintenant.

Marion

Quand tu es parti, je suis souvent allée sur mon carreau blanc pour t’écouter me raconter des trucs... Tu me parlais de l’Australie.  (…) Mais au fil des jours, je te voyais moins bien, ta voix était sourde, je t’entendais de moins en moins clairement... Je l’ai haï ce carreau !  Et finalement, je faisais un détour pour ne plus marcher dessus... Maman prenait ça pour un jeu et riait de me voir faire ça.  Ça me rendait encore plus triste...